Un seul nombre pour expliquer l’urgence en 2023
Le cinquième rapport du GIEC, en 2013, précisait déjà les quantités
maximum cumulées de CO2 qui pouvaient être émises, afin d’avoir
deux chances sur trois de ne pas dépasser certains seuils. Par
exemple aujourd’hui, pour ne pas dépasser + 1,5° C en 2100, il
faudrait n’émettre environ plus que 280 milliards de tonnes de CO2
(280 Gt CO2), quantité appelée budget carbone résiduel.
Au rythme actuel, cela représente 7 années d’émissions. Nous avons
bien sûr la possibilité de diminuer nos émissions. Mais aujourd’hui
la baisse nécessaire devrait être de plus de 10 % chaque année.
Irréalisable ! Il ne nous reste plus qu’à enclencher dès à présent une
forte décroissance et à combiner celle-ci avec une élimination de
l’excès de CO2 émis dans l’atmosphère notamment par un stockage
souterrain (Carbon Dioxide Removal, CDR).
Cette solution a été envisagée pour pallier le dépassement des
émissions de CO2
. Pour être efficace le CDR devrait être développé
rapidement, à grande échelle et à un coût énergétique et financier
acceptable. Malheureusement aucun des essais techniques actuels
n’est concluant.
À ce jour, si tout se passe bien, la plus grande centrale test construite
devrait pouvoir enlever de l’atmosphère, chaque année, 4.000 tonnes
de CO2
. Pour avoir une idée des quantités, 10 millions de centrales
de ce type seraient nécessaires afin de pouvoir éliminer l’équivalent
de ce qui est émis actuellement (40 GtCO2 /an). Nous pourrions bien
sûr nous poser la question de la faisabilité et de la vitesse de
construction des centrales nécessaires, mais réfléchissons
simplement au coût induit.
Les différentes techniques d’enlèvement du CO2 ont un coût qui va
de 100 à 500 €/t CO2
. Même en cas de décroissance rapide des missions de CO2, nous aurions facilement 500 GT CO2 en excès à éliminer. Même à seulement 100 €/t CO2, cela représenterait un coût
de 50 000 milliards d’euros ! Est-ce cela que nous voulons léguer
aux jeunes générations ?
Quoiqu’il en soit cette méthode de CDR et d’autres méthodes plus intéressantes,
comme l’agroécologie et l’agroforesterie, seront de toute façon insuffisantes pour ne
pas dépasser +1,5°C. L’enlèvement du CO2 de l’atmosphère a été essentiellement
mis en avant par les compagnies pétrolières dans un but psychologique et non
technologique. Par cette rhétorique magique, il s’agit de rassurer et éviter de mettre
en cause le recours constant et inchangé aux énergies fossiles. Malheureusement
pour nous et les générations futures, il est bien plus difficile d’enlever du CO2 de
l’atmosphère que d’en émettre.
En conclusion, il nous faut réduire au plus vite et en tous lieux les émissions de
CO2, en espérant que nous arriverons à ne pas dépasser + 2° C, ni aucun point de
bascule. Toute tonne de CO2 superflue émise portera atteinte aux conditions futures de vie de nos petits-enfants. Cela conduit à discerner, dans le cadre d’une justice
sociale, ce qui est important et ce qui ne l’est pas, afin de maintenir les conditions
d’habitabilité de la planète. En regard de l’objectif à atteindre, chacun ou chacune
en fonction de ses responsabilités, a le devoir moral de déterminer ce qui est
nécessaire et ce qui est superflu et d’agir en conséquence. Les subventions
publiques à l’aéroport de Tours sont un exemple flagrant de superflu !
Grands Parents pour le Climat 37
Pour des connaissances de base
• Parlons climat en 30 questions, Christophe Cassou et Valérie Masson-Delmotte, La
documentation française 2022
• Le GIEC, urgence climat, Sylvestre Huet, Tallandier 2023
Pour approfondir
• Le climat, passé, présent, futur, Marie-Antoinette Mélières et Chloé Maréchal, Belin 2019
• https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WG1_SPM_French.pdf
• https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_Volume_french.pdf
• https://zenodo.org/record/5906976#.ZD0NBI7P3M0
• https://www.college-de-france.fr (« Lire les rapports du GIEC »)